Le suffrage universel contre la démocratie.
A. Un divertissement
Philippe Braud décrit les élections comme un divertissement. La dimension ludique du suffrage universel ne fait pas de doute. C'est un rituel transgressif et festif où l'Etat est symboliquement mis à mort par les électeurs qui désignent le pouvoir. Tout peut arriver et de plus, le secret déresponsabilise l'électeur. Les élections sont également une scène à plusieurs titres.
C'est en effet un lieu coupé de la réalité. En premier lieu, le caractère sacré, surtout, et secret du suffrage universel transcende l'élection. En second lieu, les armes de la compétition, les problèmes posés par la campagne, sont dans le déni de réalité. Les électeurs vont se décider en pariant sur les réponses apportées à des problèmes concrets. Or, les plus profonds sont ignorés par la campagne. Un phénomène d'occultation par substitution est observé par Philippe Braud. Selon lui, la question de la laïcité cachait le problème ouvrier sous
Ensuite, cette scène prend place sur l'espace médiatique. En 1980, Philippe Braud s'inquiète déjà des dérives commerciales de la politique. En effet, la radio et la télévision s'imposent comme les moyens privilégiés de la communication en période électorale. Cela a plusieurs conséquences sur d'une part le sérieux, le niveau et la profondeur du discours politique et d'autre part sur l'importance du financement dans l'accès à la scène.
Enfin, les hommes politiques sont les "héros de la scène". Héros au sens fort du terme, étant donné le caractère agonistique des élections, mais aussi de façon plus triviale. La scène électorale est un vaudeville. Les candidats, usant des armes rhétoriques les plus basses selon l'auteur, cherchant à quémander des suffrages, s'humilient devant les électeurs. Ceux-ci se sentent dans une franche familiarité avec les candidats.
B. Le jeu et ses règles
Le suffrage universel impose ses règles : il "autorise la production symbolique du leader sur le devant de la scène".
Tout d'abord gagner des voix demande une adaptation du discours. Les partis politiques doivent, pour s'imposer au second tour d'un scrutin majoritaire, tenter de séduire toutes les strates de la population. C'est ce qu'appelle l'auteur la "loi tendancielle de séduction tous azimuts". Cette stratégie nécessite de ne pas se revendiquer d'une classe et donc d'escamoter les conflits réels. Elle tend à uniformiser les discours politiques.
Néanmoins, les partis doivent conserver un minimum de discours idéologique. Tout d'abord, vis à vis de leur base qui l'ancre dans la réalité. Plus l'adhésion se fait sur une idéologie précise, plus le seuil de trouble des militants est bas et plus l'exigence "d'autoconservation de l'appareil partisan" freine la séduction tous azimuts. La nécessité de conserver l'électorat irréductible du parti, noyau dur social diversement homogène, limite aussi les partis qui se voient obligés par le jeu du suffrage universel de tenir plusieurs discours.
Ensuite, entrer dans le jeu électoral nécessite d'accepter des règles, de "faire le jeu du suffrage universel" et de l'affirmer. On observe une corrélation entre le degré d'acceptation du suffrage universel et intégration politique.
Les partis se nomment soit de la manière la plus englobante et consensuelle possible, soit en référence à une gloire historique. Seuls osent afficher les catégories sociologiques qu'ils représentent les hors-jeu et ceux qui en jouent un autre. Ils développent également pour la forme une rhétorique au niveau de la notion de contrat.
Enfin, les règles du suffrage universel sont imposées par le Pouvoir d'Etat. Si
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