Toujours inquiétant, Tredi...

Publié le par le collectif N.R.V

Les premiers conteneurs venus d'Abidjan arriveront dans deux semaines. Et Salaise-sur-Sanne (Isère) attend ces déchets qui ont tué dix personnes et occasionné plus de 100 000 consultations médicales, cet été, en Côte-d'Ivoire. L'usine d'incinération locale, Trédi, a été retenue pour traiter 7 500 tonnes de terre contaminée, ainsi que le reste des produits déversés sauvagement par le Probo Koala dans plusieurs décharges d'Abidjan en août. Les associations écologistes veulent profiter du coup de projecteur pour alerter sur la pollution de la zone, située au carrefour de l'Isère, du Rhône, de la Drôme et de l'Ardèche.
Odeurs âcres. Salaise a développé depuis près d'un siècle une vraie culture de la pollution. Rhône-Poulenc s'était installé là en 1912, pour fabriquer du gaz moutarde, avant de reconvertir le site dans les fibres textiles. De nombreuses entreprises l'ont rejoint, et la zone est devenue une vaste plateforme chimique, à côté de laquelle Trédi brûle plus de 200 000 tonnes de déchets industriels par an. Le couloir rhodanien, entre les collines de l'Ardèche et de la Drôme, n'est large ici que de cinq ou six kilomètres, sur lesquels cohabitent une autoroute, deux nationales, une voie ferrée et les dizaines d'entreprises polluantes. D'âcres odeurs se mélangent, et des fumées s'accrochent aux vignes environnantes. L'usine a été construite en 1985 et rachetée en 2002 par le groupe Séché, spécialisé dans le déchet industriel. Quatre fours fonctionnent jour et nuit, ne s'arrêtant que deux fois par an, pour Noël et le jour de l'an. Jusqu'à son rachat, elle fonctionnait de façon très rustique, et les collectivités locales fermaient les yeux, Trédi fournissant des emplois et traitant pour trois fois rien les ordures ménagères du coin. Séché a pérennisé cette généreuse coutume.
A Salaise, les déchets ivoiriens seront traités en filière directe : ils ne quitteront pas les fûts et conteneurs dans lesquels ils ont été conditionnés en Côte-d'Ivoire. Les matières solides et semi-pâteuses seront broyées puis incinérées dans leurs contenants. Et les liquides arriveront en isoconteneurs munis de valves, qui seront branchés à des tuyaux menant aux fours. Séché a passé contrat avec l'Etat de Côte-d'Ivoire, sans mise en concurrence. Dans l'urgence, l'une de ses filiales, Séché International, avait été appelée, sur les conseils de la France, pour décontaminer les sites. Des échantillons ont été expédiés en analyse au laboratoire de Salaise, dont la responsable explique : «Nous avons trouvé des choses très classiques pour nous. Des hydrocarbures mêlés d'organo-soufrés, produits que nous avons l'habitude d'éliminer.» Trédi a alors décroché le contrat de traitement. Et Séché Transports, autre filiale, s'est vu confier le convoyage. Fûts et conteneurs parviennent par bateau au Havre (le quatrième chargement est arrivé hier dans le port de Seine-Maritime), où ils seront stockés sur une zone tampon pour être ensuite acheminés progressivement, à raison de deux ou trois conteneurs par jour. A Salaise, personne ne refuse l'arrivée des déchets. Jean-Luc Pérouze, de l'association Vivre ici, résume une position unanime des associations : «Il faut que ces ordures soient traitées en Europe, et l'usine de Salaise n'est sans doute pas la plus mauvaise pour le faire. Nous ne sommes pas du tout sur la ligne "pas dans mon jardin". En revanche, nous voulons profiter de la situation pour réclamer un peu plus de transparence.» 
Compte rendu incomplet. La dernière CLI, commission locale d'information, au cours de laquelle l'entreprise doit présenter les mesures de pollution obligatoires, s'est tenue le 21 juin 2005. Depuis, rien. Les chiffres fournis à cette occasion étaient ceux de 2004, et ils notaient des dépassements en poussières, SO2 et dioxines, ainsi qu'une température trop élevée pour les rejets d'eau dans le Rhône. Le compte rendu de cette CLI, incomplet, n'a été envoyé aux associations que onze mois plus tard. Le préfet a promis que cela ne se produirait plus. Nelly Olin, ministre de l'Ecologie et du Développement durable, en visite la semaine dernière, a promis par ailleurs une CLI l'an prochain.
Pics fréquents. Le groupe Séché affirme qu'il répond à toutes les questions qui lui sont posées, et qu'il organise de fréquentes visites de son usine. «Nous dépensons 4 à 5 millions d'euros par an pour la protection de l'environnement et du personnel», insiste Alexandra Ballore, ingénieure chargée de communication de l'usine. Mais la transparence s'arrête aux questions gênantes. Les associations voudraient par exemple connaître les résultats des nombreuses mesures effectuées en dehors des analyses obligatoires. Le groupe répond qu'il n'y est pas tenu, et que les associations ne sauraient les interpréter. L'association Vivre ici a récupéré quelques chiffres, qui montrent des pics de dépassement fréquents. «Nous faisons régulièrement des essais pour améliorer les process. C'est plutôt rassurant», réplique Alexandra Ballore. Mais Jean-Luc Pérouze ne s'en contente pas : «Essais ou pas, ces pics déversent dans l'atmosphère des quantités de poussières, de dioxines ou de métaux lourds non négligeables. Nous aimerions en connaître l'impact sur notre environnement.» 
Les associations veulent un «organisme extérieur financé par Séché, mais sous maîtrise d'ouvrage indépendante, avec un comité de pilotage scientifique». Jean-Pierre Buard, conseiller municipal sans étiquette de Sablons, village voisin, ajoute : «Il faut un contrôle citoyen sur le fonctionnement de ces installations qui font appel aux grandes peurs.» L'élu réclame une carte de dispersion des polluants, et Jean-Luc Pérouze, pour Vivre ici, demande en plus une étude épidémiologique et une analyse sérieuse des sols : «Nous voulons, conclut-il, tout simplement savoir si nous pouvons manger sans risque les légumes, les lapins ou les oeufs qui sont produits dans la région.» 
 

Publié dans Environnement

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C
Ah super comme article vraiment je reviens d'une réunion à ce sujet<br /> mais je me permets juste de t'envoyer une tite photo pour te souhaiter plein de réponses à ce sujet hautement intéressant<br /> le reconnaitras tu ?<br />
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L
Qui a dit ça ? Justement, y a des liens de familles entre le pollueur d'abdjan et les dirigeants de Tredi.
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P
Juste une remarque: certes les déchets sont passés par Abidjan mais ce sont des déchets qui venaient de chez nous, avant... Ce n'est pas parce qu'Abidjan ne veut pas jouer à être la poubelle de l'Europe qu'il faut dire que ce sont les Africains qui nous polluent...
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